Voici la traduction d'un message extrêmement intéressant de Michael l'un des scientifiques du projet Malariacontrol.net :
Une nouvelle application scientifique, appelée "optimizer", sera mise en service à partir de lundi 17 septembre.
Pour commencer, elle fonctionnera en tant qu'application test, seuls les utilisateurs sous Windows et qui auront coché l'option "run test applications" (dans leurs préférences malariacontrol.net) obtiendront ce type d'unité. Ces unités demanderont de 5 minutes à une heure de calcul, en fonction des paramètres du modèle. Il n'y a pas encore de points de sauvegarde, et le pourcentage d'avancement ne fonctionne pas encore, ainsi attendez au moins une heure avant de réfléchir pour savoir si votre unité est coincée... Le calcul est effectué avec la technologie Java, contenue dans le "wrapper" boinc standard. C'est d'ailleurs le premier projet BOINC qui utilisera Java.
La date-limite de renvoi d'une unité sera de 48 heures pour la phase de test, puis ensuite de trois jours.
Le nom "optimizer" a été choisi pour cette application car les composants du serveur sont essentiellement des cadriciels optimisés pour une "utilisation générale". Avec cette nouvelle application, les scientifiques du groupe pourront travailler sur des questions plus spécifiques. Par exemple, préparer des modèles plus simples qui ne seraient pas adaptés au modèle malaria standart. Ces calculs nous aideront à améliorer l'application malariacontrol.net. L'application optimizer devrait fonctionner durant un an ou plus, tout dépend des résultats qu'elle sera en mesure de produire.
Quelques indications sur les implications scientifiques de cette nouvelle application :
Pour effectuer des prévisions quantitatives sur la transmission du paludisme, il est très important de savoir durant combien de temps une infection perdure chez un individu infecté. Plus longtemps elle durera, plus la probabilité qu'un moustique soit infecté sera grande, plus vous aurez de moustiques infectés, plus d'individus seront infectés etc, etc, etc….
A première vue, la durée d'infection semble facilement mesurable : il faut juste regarder à partir du moment ou une personne est infectée, et effectuer des prélèvements sanguins jusqu'à ce que cette personne ne soit plus infectée.
Malheureusement, vous n'avez que 50% de chances de détecter une infection. Ainsi vous avez déjà un problème : vous ne savez pas quand l'infection a commencé, et vous ne saurez pas exactement quand elle finira.
En outre, dans les zones à haut potentiel épidémique, les gens sont très souvent infectés jusqu'à dix infections simultanément voir plus… ainsi vous ne pourrez jamais savoir si ce que vous voyez est toujours la même infection ou une nouvelle.
Récemment un travail de notre institut a utilisé de nouvelles méthodes basées sur l'ADN (qui permettent de distinguer différentes infections), en liaison avec une approche mathématique, pour estimer la durée moyenne d'une infection de paludisme Plasmodium falciparum (le plus dangereux des parasites responsables du paludisme) non traitée.
Voir Sama etal. 2006 (seul le résumé est librement accessible au public)
Variation saisonnière et de l'ancienneté des taux de transition et de la détectabilité du paludisme Plasmodium falciparum
Sama W, Owusu-Agyei S, Felger I, Dietz K, Smith T.
Département de Santé publique et d'épidemiologie, Institut Tropical Suisse, Socinstrasse 57, Postfach CH-4002, Bâle, Suisse.
Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser. L'effet de l'immunité acquise sur la durée des infections par Plasmodium falciparum n'est pas très clair, c'est l'une des importantes limites des modèles de transmission du paludisme. Les problèmes interviennent dans la détermination de la durée des infections en raison de la difficulté à distinguer les infections persistantes par rapport aux nouvelles infections, et parce que les densités parasitaires dépassent souvent de façon éphémère la limite de la détection. Nous avons récemment développé un modèle dynamique pour le taux d'infection, la clairance parasitaire et la détection de multiples infections par le génotype P. falciparum et nous l'avons corrélé à un ensemble de données issues d'une étude longitudinale au nord du Ghana. Nous étendons maintenant ce modèle pour tenir compte de la variation saisonnière et de l'ancienneté des taux d'infection mais également de l'âge dépendant de la clairance parasitaire et de la détectabilité des infections. Ces modèles indiquent qu'il existe une variation saisonnière du taux d'infection, de la détectabilité et de la clairance parasitaire dépendant de l'ancienneté de l'infection. Les meilleurs modèles sont non corrélés à l'ancienneté de l'infection ou au taux de clairance parasitaire, suggérant que l'immunité acquise affecte principalement la détectabilité.
Jusque là, tout va bien, ce fût une avancée importante. Mais le problème demeure : quel est la distribution de ces durées d'infection ? En d'autres termes : est-ce que toutes les infections durent exactement 200 jours puis s'arrêtent ? Ou est-ce qu'une infection a une probabilité constante de disparaître, cette probabilité restant constante quel que soit l'ancienneté de l'infection ? Probablement aucune de ces deux affirmations n'est juste, mais quoi qu'il en soit, nous devons décrire la forme de la distribution des durées d'infection, afin de réaliser des prévisions plus précises.
Pour en savoir plus à ce sujet, voir Sama etal.2006b
Distribution de la persistance de Plasmodium falciparum suite à une infection délibérée chez des patients atteints par la syphilis tertiaire.
Département de Santé publique et d'épidémiologie, Institut Tropical Suisse, Socinstrasse 57, Postfach CH-4002, Bâle, Suisse.
Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser. Les données relatives à la persistance des infections par Plasmodium falciparum suite à une infection délibérée de sujets humains avec le P. falciparum entre 1940 et 1963 (en tant que traitement contre la neurosyphilis aux Etats-Unis (en Géorgie)) ont été utilisées pour examiner la corrélation de cinq distributions de paramêtres courament utilisés avec les durées de survie du virus par l'utilisation de graphiques quantile-quantile. Nos résultats indiquent que le meilleur ajustement est obtenu avec les distributions de Gompertz ou de Weibull. Ce résultat a des implications importantes pour les modélisations mathématiques du paludisme, qui au cours du siècle passé supposaient exclusivement que la durée des infections par le paludisme suivait une distribution exponentielle. Il est important de connaître la distribution correcte car sa forme influence fortement la durée de la surveillance requise dans un programme d'intervention pour éliminer ou réduire le paludisme.
C'est presque où nous voulions en venir, excepté une chose : la publication ci-dessus mesure la distribution pour une population vivant aux Etats-Unis et qui n'avait jamais contracté le paludisme auparavant. Elles ont été infectées avec pour but, de traiter leur syphilis (un traitement très prisé à cette époque). Nous ne savons pas à quoi ressemble la représentation pour les personnes vivant dans les zones avec un taux de transmission du paludisme élevé, avec des infections multiples et après avoir été constamment infectés durant des décennies…
Les tentatives pour trouver une solution mathématique à ce problème n'ont pas donné de résultats... Les équations deviennent insolubles. Mais il existe une échappatoire : au lieu d'utiliser des équations, nous pouvons utiliser des simulations individuelles, c'est à dire que nous simulons chacune des infections dans un programme informatique, pour voir quels paramètres peuvent reproduire au mieux les données dont nous disposons. Le principal inconvénient est que ceci prendrait trop de temps à être calculé sur un seul ordinateur.
Et c'est donc pourquoi nous avons besoin de vous, les garçons et les filles, et merci énormément de rendre ceci possible ! !
P.S. : Complément au sujet de la collecte de données mentionnée ci-dessus, pour empêcher les malentendus : Il existe de très strictes directives éthiques sur la façon dont on permet à quelqu'un d'obtenir de telles données. Comme la plupart des infections par le paludisme dans les zones à haut potentiel épidémique ne causent aucun symptôme, être atteint de paludisme ne signifie pas que vous êtes malade (en raison de l'immunité acquise). Les personnes qui présentent les symptômes de la maladie reçoivent naturellement un traitement.