L'institut SETI vient d'inaugurer, en octobre, les 42 premières antennes paraboliques du "réseau de télescopes Allen". Lorsque tout sera terminé, cet outil d'observation devrait compter un total de 350 paraboles.

Vous trouverez ci-dessous une traduction issue du site Internet du SETI Institute, qui vous permettront de comprendre pourquoi ce nouvel outil constitue une importante avancée dans la recherche de signaux extra-terrestres, et plus largement dans l'étude radio de notre Galaxie et de notre Univers.

Galerie d'images du Allen Telescope Array

 

Il s'agit de l'une des sirènes les plus obstinément séduisantes qui a depuis toujours attiré la communauté des chercheurs d'une intelligence extraterrestre : un télescope de premier plan entièrement dédié à la recherche d'une intelligence extraterrestre. Malgré le caractère séduisant de cette idée, la construction d'un instrument conçu pour répondre aux besoins d'une recherche d'intelligence extra-terrestre à plein temps a toujours échoué en raison des coûts élevés.

Cette situation change. Grâce à la générosité clairvoyante des technologues Paul Allen (co-fondateur de Microsoft) et Nathan Myhrvold (ancien directeur de la technologie chez Microsoft), nous construisons un nouveau télescope qui permettra de procéder à la recherche d'une intelligence extraterrestre 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7.

Le nouvel instrument, que nous avons appelé "Allen Telescope Array", anciennement connu sous le nom de "One Hectare Telescope" (Télescope d'un hectare), ou 1hT, est un effort conjoint de l'institut SETI et de l'Université de Berkeley en Californie. En raison de méthodes de construction inédites (un réseau d'antennes paraboliques peu coûteuses), il pourra à la fois être utilisé pour SETI et pour les recherches radioastronomique de pointe. Il est en construction sur le site de l'observatoire de Hat Creek, géré par le laboratoire de radioastronomie à Berkeley, et situé dans la chaîne des Cascades, juste au nord de Lassen Peak (Californie).

La plupart des expériences de recherche d'une intelligence extraterrestre menées par le passé reposaient sur des radiotélescopes existants. Même si cela permettait de conduire des recherches sur de très grands instruments (par exemple, la gigantesque antenne parabolique de 305 m d'Arecibo, à Porto Rico), la durée pendant laquelle le télescope est disponible pour la recherche est nécessairement restreinte. Le projet Phoenix, par exemple, a pris les commandes du télescope d'Arecibo durant environ trois semaines au printemps et un laps de temps identique en automne. Les observations ne peuvent avoir lieu que pendant la nuit (le soleil pouvant sérieusement dégrader les signaux à bande étroite recherchés par SETI lors des observations proches de l'écliptique du fait de la faible couverture céleste du télescope), ainsi sur l'année SETI a reçu l'équivalent de trois semaines d'observation à plein temps. Au cours de la période allant de septembre 1998 à mars 2004, le projet Phoenix n'a ainsi disposé que d'un total de 100 jours d'observation à Arecibo. Ce qui représente seulement 5% du temps disponible. Le Allen Telescope Array offrira aux scientifiques de SETI un accès au télescope 24 heures par jour, 7 jours sur 7 et permettra de cibler simultanément la recherche sur plusieurs étoiles. En conséquence, le Allen Telescope Array permettra d'accélérer la recherche SETI  par un facteur d'au moins 100.



En raison de sa capacité à étudier de nombreuses régions du ciel à la fois, sur davantage de canaux et 24 heures par jour, le Allen Telescope Array permettra un approfondissement de la reconnaissance stellaire du projet Phoenix. Nous passerons de mille étoiles à cent mille voir même un million d'étoiles proches.


L'idée fondamentale derrière le réseau de télescopes Allen est née au cours d'une série d'ateliers organisés entre 1997 et 1999. Lors de ces réunions, des scientifiques, des ingénieurs, des technologues ont réfléchi à la meilleure façon de poursuivre la recherche d'une intelligence extraterrestre au cours des deux prochaines décennies (les "SETI Science and Technology Workshops", les ateliers SETI de la Science et de la Technologie). Le projet qu'ils ont privilégié consistait à construire un télescope avec un réseau d'antennes paraboliques grand public. Grâce à l'étendu du marché de ces "champignons métalliques" d'arrière-cour, leur prix est très faible lorsqu'on les commande en grande quantité. Le Allen Telescope Array sera composé de 350 antennes paraboliques de 6,1 m de diamètre chacune, il en résulte un instrument avec une zone de collecte supérieure à celle d'un télescope de 100 m.

La disposition pseudo-aléatoire des télescopes sur le terrain place parfaitement tous les télescopes à l'intérieur d'un cercle de 1 km. Ces télescopes sont soigneusement placés pour fournir un faisceau de très grande qualité (la zone du ciel pour laquelle le télescope est le plus sensible) à la fois pour les recherches d'une intelligence extraterrestre et la recherche radio-astronomique. Le grand nombre d'antennes paraboliques offre un contrôle sans précédent de la sensibilité indésirable hors faisceau primaire.

Comparaison de la partie de la Galaxie couverte par le Allen Telescope Array et par le projet Phoenix

Le réseau de télescopes Allen est optimisé pour couvrir les fréquences entre 1000 et 10000 MHz, ce qui correspond à plus de cinq fois la plage de fréquences couverte par le projet Phoenix. Il sera utile de 0,5 à 11 GHz. La température du système, qui est un facteur crucial dans la détermination de la sensibilité du télescope, est essentiellement de 45 K. Le système de recherche Phoenix a été reconfiguré pour une utilisation simultanée avec la première phase d'ATA (42 antennes paraboliques). Renommé "Prélude", le système divisera le spectre par bande de 60MHz (90 millions de canaux par polarisation) entre deux ou trois positions dans le ciel.

Le nom "Prélude" fait allusion à un système de traitement sur la base d'un nouveau logiciel nommé SonATA (SETI on ATA). SonATA aura plus de canaux et de capacités que n'importe quel autre système issu de SETI mais il demandera des fonds supplémentaires.

La fait de construire le nouveau télescope sous la forme d'un réseau d'antennes paraboliques permet de tirer partie de plusieurs avantages. Pour commencer, de nombreux "pixels" peuvent être générés sur le ciel en une seule fois. Plutôt que de regarder une seule étoile à la fois, comme le télescope d'Arecibo et ses semblables sont contraints de le faire, plusieurs étoiles pourront être examinées simultanément. Là encore, le processus de reconnaissance stellaire est accéléré. En outre, il est facile d'agrandir le réseau par le simple fait d'acheter des antennes paraboliques et de les relier au système déjà existant. Les grandes antennes paraboliques seules ne sont pas assez souples pour de telles améliorations.

Le gain de performance est incontestable. [...] Pour la première fois dans son histoire, SETI sera en mesure d'extraire un véritable échantillon significatif de la botte de foin cosmique. Ce n'est pas une avancée progressive: le réseau de télescopes Allen augmentera la reconnaissance stellaire de plusieurs ordres de grandeur. C'est un très grand pas pour la recherche SETI.

La conception des antennes paraboliques du réseau de télescopes Allen introduit une optique décentrée car parfois, tout comme en football, passer sur les cotés permet de réduire les interférences (intervention dans le cas du football, du mot anglais "interference")

L'allure peu conventionnelle des antennes paraboliques constitue ce que l'on appelle une parabole grégorienne décentrée. Un second réflecteur permet de faire rebondir les signaux radio entrants collectés par le grand réflecteur primaire (large de 6,1 mètres de diamètre) vers la tête qui supporte les amplificateurs aussi appelés servomoteurs (sur l'image ci contre, ils sont cachés par le voile protecteur). Les signaux sont alors amplifiés et envoyés vers la salle de contrôle.


"C'est une amélioration incontestable de nos antennes paraboliques" explique Dave DeBoer, ancien ingénieur du projet Allen Telescope Array. " En décentrant les amplificateurs, nous obtenons une meilleure sensibilité en direction des zones du ciel que nous voulons observer"


En introduisant un second réflecteur enveloppé d'un voile protecteur, l'antenne parabolique diminue la probabilité de récupérer les rayonnements bruyants en provenance du sol (relativement chaud) environnant le télescope. Décentrer le réflecteur minimise les chances que des signaux terrestres rebondissent sur l'antenne parabolique et qu'elles interfèrent sur notre étude des émissions cosmiques. Cette conception décentrée a également été utilisée par le nouveau télescope de 100 mètres Robert C. Byrd, qui est entré en fonction en Virginie occidentale.

 

Les principaux objectifs scientifiques

  • Déterminer la répartition de l'hydrogène interstellaire neutre (HI) dans notre Galaxie sur les trois-quarts du ciel observable, pour estimer le niveau d'accrétion des gaz intergalactiques dans les galaxies extérieures ; rechercher des galaxies sombres et sans étoiles ; poser les premières pierres de la détection de l'énergie sombre par le Square Kilometre Array.
  • Classifier 250.000 sources radio extragalactiques, c'est à dire les noyaux actifs des galaxies et les galaxies à flambée d'étoiles, afin d'évaluer et quantifier les formations d'étoiles dans l'Univers local ; identifier les objets ayant un décalage vers le rouge (redshift) élevé ; rechercher les structures à grande échelle dans l'Univers ; identifier les probables lentilles gravitationnelles en détectant la matière noire et l'énergie sombre.
  • Mesurer les champs magnétiques dans la Voie lactée et dans d'autres groupes locaux de la Galaxie afin d'analyser le rôle des champs magnétiques dans la formation des étoiles et des galaxies.
  • Observer indirectement les ondes gravitationnelles par chronométrage (pulsar timing) lors de la coalescence de trous noirs.
  • Mesurer les propriétés des nuages moléculaires et la formation des étoiles par l'utilisation de nouveaux traceurs moléculaires afin de tracer les conditions de formation des étoiles au niveau des nuages moléculaires géants et déterminer la distribution des éléments lourds dans la Voie Lactée.
  • Explorer le ciel transitoire (transient sky) afin d'analyser l'accrétion de gaz autour des trous noirs, découvrir l'émission rémanente suite à une explosion de rayons gamma, découvrir des phénomènes de transition nouveaux et inconnus.
  • Examiner les signaux extraterrestres non naturels en provenance d'un million d'étoiles avec assez de précision pour détecter la puissance équivalente au radar d'Arecibo dans un rayon de 1000 années lumières dans une gamme de fréquences allant de 1 à 10 GHz.
  • Examiner les 4x1010 étoiles du plan galactique interne sur la fréquence "Trou d'eau" (Water Hole) entre 1420 MHz et 1720 MHz en provenance des transmetteurs les plus puissants et non naturels.

 

Images prises par le réseau de télescopes Allen


M31

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Crédit : Allen Telescope Array Université de Berkeley

Cliché visible de M31, Galaxie d'Andromède

 

Le premier cliché pris par les 42 antennes paraboliques du réseau de télescopes Allen représente la répartition de l'hydrogène atomique dans la galaxie d'Andromède (Messier 31 ou M31), la galaxie spirale la plus proche de la Voie Lactée. ATA peut prendre des clichés de grands objets tel que M31 (son diamètre est environ 5 fois le diamètre de la pleine lune) au lieu de plusieurs clichés qui devront être superposés comme c'est le cas pour les autres radiotélescopes. Le large champ de vision du télescope est idéal pour sonder les cieux à la recherche de nouvelles sources radio.

Les couleurs, du bleu au blanc, représentent l'intensité des émissions radio et par conséquent la densité de l'hydrogène. Comme l'hydrogène est l'élément constituant les étoiles, le grand trou au centre d'Andromède indique que la galaxie est proche de la fin de son histoire de formation d'étoile. En arrière plan, les émissions radio galactiques sont propulsées par des trous noirs massifs qui sont situés à des milliards d'années lumières de la Terre.

 

M33

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Crédit : Allen Telescope Array Université de Berkeley

Cliché visible de M33, Galaxie du Triangle

Crédit : T.A.Rector (NRAO/AUI/NSF et NOAO/AURA/NSF) et M.Hanna (NOAO/AURA/NSF)

Un des premiers clichés pris par les 42 antennes paraboliques du réseau de télescopes Allen. Ce cliché montre l'hydrogène atomique dans la Galaxie du Triangle (M33), située dans la constellation du Triangle. Contrairement à M31, il n'y a aucun trou au centre de cette galaxie, la distribution des gaz est presque constante lorsqu'on se dirige vers le rayon externe. La voisine du Triangle, la Galaxie d'Andromède, est assez grande pour générer des marées gravitationnelles dans cette galaxie, ce qui provoque des bouffées d'hydrogène qui quittent la galaxie, vous pouvez les voir en haut et en bas du cliché.

Le champ de vision de l'ATA est 17 fois plus grand que celui du Very Large Array au Nouveau Mexique, ce qui fait d'ATA un outil idéal pour la recherche d'une intelligence extraterrestre et pour la radioastronomie.